Avec « Stéréo », Philippe Decouflé signe un retour tonitruant à Montpellier

Il faut sans doute lire dans cette pièce l’amour immense du chorégraphe pour ses collaborateurs, qu’ils soient danseurs, musiciens, scénographes, costumiers… tant leur place sur le devant de la scène est primordiale. Même les absents ne sont pas loin, quand, dès la séquence d’ouverture, l’esprit du regretté Christophe Salengro s’incarne dans les messages « auto-adhésifs » portés par l’inénarrable Baptiste Allaert. Jusqu’à la première vignette de danse, avec une Violette Wanty tout en espièglerie sur son podium transparent, enchaînant les postures avec rigueur et drôlerie… qui ne sont pas sans rappeler les évolutions passées d’une Alexandra Naudet, figure historique de la compagnie DCA et assistante chorégraphique sur ce projet. Ce qui suivra ensuite ne tient dans aucune catégorie du spectacle vivant : un concert de musique et de danse, peut-être, puisé dans la volonté du chorégraphe de revenir à ses amours rock’n roll, un peu vintage, voire « bas du front », selon l’aveu même du guitariste Arthur Satàn. Avec son batteur Romain Boutin et la bassiste Louise Decouflé, ils envoient du bois dans un répertoire pour moitié fait de créations originales et de reprises, balayant les Beatles, Tears for Fears, les Beach Boys… Que peut la danse face à une telle déferlante ?

Un concert à sketchs

Tantôt illustrative, tantôt décalée, la danse existe par la puissance gestuelle, l’énergie et la frontalité affirmée de mouvements virtuoses, voire acrobatiques, sinon stéréotypés. En témoigne Aurélien Oudot, une tronche de cake à la Fonzie qui excelle dans son personnage. Philippe Decouflé a construit le spectacle en alternant les séquences musicales investies par le groupe de danseurs et de musiciens avec des moments plus humoristiques. Pas étonnant donc de trouver dans cet hommage au rock une scène hilarante sur la musique électro ! Glissant des effets de rembobinage, d’accélération et de recommencement dans le fil de ce vrai-faux spectacle musical, Decouflé assume la forme du concert à sketchs pour décliner différentes influences issues des cultures populaires ou plus underground : le défilé de costumes de Philippe Guillotel laisse la place au dialogue entre pointes classiques et chaussures à plateformes sur talons aiguilles de 20 cm (étonnante Eléa Ha Minh Tay !), tandis que la scénographie de Jean Rabasse ouvre un espace dédié au skate-board pour le danseur Vladimir Duparc. Tout est possible dans ce monde, nous dit le plus simplement Philippe Decouflé, pourvu qu’il y ait de la liberté, de l’énergie vitale, et de la bienveillance !

Nathalie Yokel