De la sexualité des orchidées, de Sofia Teillet

Il est de plus en plus fréquent que la création théâtrale contemporaine s’empare du sujet de l’écologie et du rapport au vivant. Ce qui peut éventuellement s’avérer didactique ou pesant. Or, si Sofia Teillet choisit le biais d’une conférence pour évoquer son sujet, elle évite tous les écueils, à commencer par celui de l’ennui. En explorant la question de la reproduction végétale dans la famille des orchidées, une famille très ancienne, née il y a 83 millions d’années, et très nombreuse, comptant entre 35000 et 40000 espèces – qui l’eût cru ! – , elle aborde aussi la manière qu’ont les hommes de faire société, d’être reliés au monde et d’être reliés entre eux, avec un humour jouissif et un épatant sens du décalage et des comparaisons. Sans oublier que tout bien réfléchi l’homme n’est peut-être pas l’alpha et l’oméga du monde.

Des fleurs à la baudroie abyssale

Que nous enseigne le fonctionnement d’une fleur hermaphrodite qui nécessite pour être fécondée l’intervention d’un insecte ? Qu’est-ce que le progrès ? Que retenir de l’histoire de l’évolution ?  Voire même, de manière plus existentielle, qu’est-ce qu’une vie réussie ? Une foule d’interrogations se dessinent. Ce qui enchante, c’est la précision concrète avec laquelle elle décrit son sujet d’étude, et ces petits pas de côté qui en quelques répliques ouvrent bien des perspectives sur notre espèce et sur les orchidées si… sophistiquées.  Si le mot de symbiose vous fait rêver, sachez que vous allez apprendre des choses insoupçonnées sur ce qu’il implique, surtout chez la baudroie abyssale. Ce qui est sûr, c’est qu’on sait qu’on ne sait pas tout, que la connaissance même invite à la modestie. Et aussi que cette drôle de conférence savante et réjouissante instaure une jolie et féconde relation entre son oratrice et ses auditeurs-spectateurs.

Agnès Santi