Encantado, rencontre avec Lia Rodrigues

Quel est le point de départ d’Encantado, votre nouvelle pièce ?

Lia Rodrigues : Chacune de mes pièces naît de la précédente. Le point de départ de celle-ci est donc Fúria. Mon travail commence aussi toujours par la lecture d’un ou plusieurs livres. Dans le cas d’Encantado, Une écologie décoloniale de Malcom Ferdinand et Torto Arado d’Itamar Vieira Junior ont été très importants. Dans le second, il est fait mention des « encantados », qui sont des entités d’une cosmogonie afro-amérindienne se déplaçant entre ciel et terre, transformant les jungles ou les eaux en lieux sacrés et ayant des pouvoirs de guérison. C’est à partir de cette idée que je me suis demandé comment apporter un enchantement dans nos vies et dans notre création.

« Je me suis demandé comment apporter un enchantement dans nos vies et dans notre création. »

La pandémie a-t-elle impacté cette création ?

L.R. : Oui bien sûr. Comme nous tous, nous avons d’abord été affectés personnellement. Puis nous avons eu très peur de nous retrouver pour commencer à travailler. Pour construire une création dans cette situation, surtout au Brésil où à cause de la gestion de la crise de notre président nous déplorons 600 000 morts, il faut réellement parvenir à enchanter quelque chose à partir du réel. Actuellement notre Centre d’Arts de Maré est rempli d’aliments pour les familles pauvres. Nous avons également un partenaire qui y réalise une énorme campagne de vaccination. C’est formidable mais il nous reste très peu d’espace pour créer. Et de par ces activités, il faut pour y rentrer suivre tout un protocole. Les danseurs ne peuvent pas prendre les transports publics qui sont un lieu important de contamination, tout le monde doit porter un masque et une personne désinfecte sans cesse nos locaux. Nous nous faisons aussi tester toutes les semaines.

Pour Fúria, vous aviez créé une scénographie à partir de d’objets cassés, abandonnés. Qu’en est-il pour Encantado ?

L.R. : Au plus fort de la pandémie, j’ai vu la photo d’une personne vivant dans la rue recouverte d’une couverture qui était pour elle comme une cabane et lui donnait une allure mi-humaine mi-animale. Nous avons fait des essais à partir de cette image et avons trouvé un énorme marché à Rio qui vend ce genre de couvertures très bon marché, très colorées. Nous en avons acheté plus d’une centaine. Elles portent des dessins d’animaux, de jardins. À partir de ces tissus nous créons des personnages, des paysages variés, à la fois beaux et très étranges.

Propos recueillis par Delphine Baffour