Entretien Jackie Surjus

Une des lignes centrales du festival est la valorisation de créations musicales relevant de croisements avec d’autres disciplines de la scène. Pourquoi ce choix ?

Jackie Surjus : Une telle manifestation doit être à l’écoute de son temps et tenir compte d’un fait indéniable : les cloisons entre les esthétiques sont de plus en plus poreuses. Nous sommes face à un art en perpétuelle exploration où de nombreux compositeurs cultivent l’ouverture, explorent le sonore en lien avec d’autres moyens d’expression. Pour le théâtre par exemple, la question ne se pose pas. Le texte y rencontre la vidéo, l’installation numérique, la musique électronique ou le noise et pour autant nous sommes toujours  dans l’esthétique «théâtre» ! Je pense à des créations comme Andromaque 10-43 de Kristian Frédric ou au Hamlet de David Bobee. Là est toute la magie  du spectacle vivant, les choses n’y sont pas figées et il reste le domaine de tous les possibles.

Du strict point de vue de leur création musicale, qu’est-ce que les compositeurs ont à gagner de ces croisements ?

Jackie Surjus : C’est certainement au croisement des arts que quelque chose d’intéressant, de novateur et de singulier peut se produire, grâce à de nouvelles aventures très créatives, à de nouvelles complicités entre artistes venus d’horizon différents. Les compositions musicales se nourrissent naturellement des autres champs esthétiques. Et puis le terme «musique contemporaine» semble encore avoir un effet repoussoir sur le grand public. Le croisement des arts permet d’élargir l’audience des différents rendez-vous, de s’adresser à un public plus large qui découvre le spectacle par une autre porte d’entrée que la musique.

« De nombreux compositeurs cultivent l’ouverture, explorent le sonore en lien avec d’autres moyens d’expression. »

Le concert au sens le plus traditionnel du terme est-il voué à disparaître selon vous ?

Jackie Surjus : Pas du tout, d’ailleurs au cœur de la programmation du festival, il y a de façon régulière un concert d’orchestre. Cette édition propose un concert de musique de chambre avec le Trio Wanderer et Claire Désert. L’important est de ne rien s’interdire et d’offrir au spectateur la diversité de son temps. Même si nous ne devons pas mettre sous l’étiquette “musique contemporaine“ tout et n’importe quoi, nous pouvons affirmer  que c’est une musique vivante, curieuse, attentive au temps présent et dont le spectre de diffusion est large, du concert pur au son mis en scène.

Quelle place tient Aujourd’hui  Musiques dans le paysage de la musique contemporaine en France ?

Jackie Surjus : En 25 ans, le Festival Aujourd’hui Musiques s’est construit une place essentielle dans le panorama des manifestations de musique contemporaine, en accompagnant les compositeurs et en fidélisant un public nombreux. La médiation culturelle entamée depuis de longues années sur le territoire, auprès de tous les publics, et en particulier auprès des jeunes, a porté ses fruits…  Notre souhait est de proposer des rendez-vous hors des chemins balisés, en  demandant au spectateur d’être curieux et prêt à partager une expérience qui peut surprendre, qui peut  chambouler les repères sans jamais laisser indifférent. Et qu’il est bon et nécessaire de nos jours d’être surpris, d’être questionné ! Rien de mieux pour rester en éveil !

Propos recueillis par Jean Lukas