Festival d’Avignon 2017

N’est-ce pas en soi une bonne nouvelle de se dire que cette campagne présidentielle à haut risque est derrière nous et que le mot culture va conserver son sens et son ouverture sur le monde ? Fidèle rendez-vous, le Festival d’Avignon demeure merveilleusement ouvert à divers horizons esthétiques et géographiques. Si les artistes reflètent et interrogent les maux du monde à travers leurs démarches et leurs visions, ils expriment aussi, toujours, une forme de beauté, une hauteur de vue, une possibilité d’espoir. Au-delà de la programmation même, le Festival suscite rencontres et échanges, et questionne au cœur de chacun le rapport au monde tel qu’il est ou tel qu’on l’espère. Comme le souligne l’auteur, metteur en scène et directeur du Festival Olivier Py (qui crée cette année Les Parisiens) : « On vient à Avignon pour vivre une expérience commune, prendre la parole, écouter : le festival est un grand lieu de la liberté de la parole ». Avignon se transforme en ville-théâtre où se pressent publics, programmateurs et artistes. Dans le In, une quarantaine de spectacles, plus de trente créations, et près de 40 nouveaux venus. Dans le Off, un peu plus de mille spectacles… Un foisonnement à la fois réjouissant et redoutable, d’autant plus que les budgets de production sont clairement de plus en plus difficiles à boucler pour les compagnies.

Le théâtre, miroir de l’époque

En ouverture du Festival d’Avignon, Satoshi Miyagi, dont la dimension esthétique très maîtrisée devrait faire merveille dans la Cour d’honneur, présente Antigone, après avoir présenté l’an dernier à la Carrière Boulbon Le Mahabharata. Parmi les grands noms de la scène internationale, Frank Castorf met en scène Le Roman de Monsieur de Molière d’après Mikhaïl Boulgakov, une façon de questionner le rapport à la norme et à l’autorité. Guy Cassiers interroge l’Histoire à travers Le sec et l’humide de Jonathan Littell, qui évoque le basculement dans la barbarie nazie, et Grensgeval (Borderline) d’après Elfriede Jelinek, qui met en lumière les réfugiés en Méditerranée. A voir aussi le théâtre envoûtant de Tiago Rodrigues, la grâce des marionnettes de Rezo Gabriadze, La Fiesta d’Israel Galvan… A noter cette année un focus sur l’Afrique subsaharienne dont les artistes – Dorothée Munyaneza, Serge Aimé Coulibaly…- éclairent les complexités souvent traumatiques de leur continent. Le feuilleton théâtral du Jardin Ceccano, conçu par Christiane Taubira et Anne-Laure Liégeois, fera entendre des voix fortes éprises de liberté. De façon à la fois saisissante et logique, les programmations du Festival d’Avignon et d’Avignon Off traduisent avec acuité les préoccupations des artistes face à un monde de plus en plus difficile à appréhender. Comme chaque été, notre hors-série Avignon en Scène(s) paraîtra fin juin et sera distribué à Paris puis à Avignon pendant toute la durée du Festival. Nous proposons un éclairage précis sur tous les spectacles du In et sur une sélection de spectacles du Off, ainsi que quelques grands entretiens sur des thèmes liés à la culture. A suivre !

Agnès Santi