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Théâtre - Critique
Je disparais
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Après Homme sans but par Claude Régy, Jours souterrains par Jacques Vincey, Je disparais du jeune auteur norvégien Arne Lygre est créé par Stéphane Braunschweig, qui le considère comme un auteur majeur. Une femme (Moi) attend son mari, une autre (mon amie) attend sa fille. Elles doivent partir, quitter leur pays, la situation est grave. Un danger les menace, mais on ne sait ce qui se trame. Cette absence de contexte et d’élément factuel extérieur aux personnages rend les mots d’autant plus prégnants, la pièce tout entière prend corps en une sorte de huis clos délimité par les mots. Les mots, les pensées, les gestes dessinent les personnages et le monde, par bribes, par ricochets, par glissements. L’espace et le temps ont une consistance peu fiable, parfois à la limite de l’absurde, et les personnages vacillent et se troublent… jusqu’à la disparition étirée du je. Peut-être pour conjurer la brutalité des faits et contrer l’effacement des repères de toute une vie, les deux femmes se lancent dans des jeux de rôles, ce qui déréalise encore la situation, installe de nouvelles perspectives, une virtualité qui démultiplie les semblants d’identités. La sublime scénographie rend parfaitement compte de ce vertige irréel, de cette mise en abyme perturbante, de cet enfermement mental et verbal, où l’imaginaire ne peut guère consoler quand les vies se brisent.
Décalage fantasmatique
C’est là que résident l’originalité et la qualité de cette écriture, dans ce poids considérable des mots, seuls à faire vivre les personnages, à faire surgir l’imaginaire, sans pathos, au fil d’un minimalisme sobre. Comme des traits de pinceau aériens très légers plutôt qu’une peinture nourrie et informée. La mise en scène de Stéphane Braunschweig et le jeu théâtral parviennent à distiller cette écriture avec subtilité et cohérence (jouant parfois sur un décalage fantasmatique que chacun appréciera, telle cette scène des baigneuses, incongrues et charmantes). Annie Mercier (Moi) – quelle voix… – et Luce Mouchel (Mon amie) sont parfaites, dans une belle complémentarité. Pauline Lorillard (la fille de mon amie), Alain Libolt (mon mari) et Irina Dalle (une étrangère) jouent juste aussi. Après la fascination des premiers instants, la pièce cependant perd parfois en intensité, justement parce que l’exercice du jeu prime sur tout autre aspect. Ainsi Stéphane Braunschweig apprécie la pièce entre autres parce qu’elle nous parle « de la relativité de nos positions dans le monde », mais la conscience du réel advient de façon très diluée, et toute empathie est rendue impossible. Le travail est très minutieux, mais cette instabilité ludique du je et cette distance au réel rendent l’écriture très intéressante en soi, mais pas pour les questions existentielles ou l’émotion qu’elle suscite.
Agnès Santi
Je disparais de Arne Lygre, mise en scène Stéphane Braunschweig, jusqu’au 9 décembre, du mercredi au samedi à 20h30, mardi à 19h30, dimanche à 15h30, au Théâtre de la Colline, 15 rue Malte-Brun, 75020 Paris. Tél : 01 44 62 52 52.
A propos de l'événement
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