La soprano et cheffe d’orchestre Barbara Hannigan, artiste en résidence à Radio-France

Son obsession de la dramaturgie et son engagement physique dans la musique, associés à une beauté saisissante, font d’elle l’une des interprètes les plus fascinantes de notre temps. Elle a beaucoup œuvré pour la défense de partitions majeures du XXIème siècle (« Lulu » de Berg, « Mysteries of the Macabre » de Ligeti…)  et la création d’œuvres nouvelles. La soprano canadienne affiche à son CV près d’une centaine de créations mondiales, dont, à l’Opéra de Paris, le rôle-titre de « Bérénice » de Michael Jarrell ou encore l’interprétation de La Voix humaine dans une mise en scène de Krzysztof Warlikowski. Musicienne complète et travailleuse acharnée, Barbara Hannigan se consacre aussi depuis une dizaine d’années avec passion à la direction d’orchestre. « Je ne planifie pas strictement comment répartir mon temps entre le chant et la direction. Quand j’ai commencé ma carrière, il y a plus de 20 ans, je chantais 100% du temps. Depuis que j’ai commencé à diriger il y a 10 ans, la direction a pris de plus en plus de place dans ma vie. Je fais toujours de la place pour l’opéra et pour « seulement » chanter avec d’autres chefs d’orchestre. Et parfois, je ne fais « que » diriger ! C’est dans ma nature d’être libre et d’exister sans trop de définition. » explique-t-elle. Pour mener à bien ses projets en toute indépendance, Barbara Hannigan a créé en 2012, à Amsterdam, son propre orchestre, le Ludwig Orchestra, avec lequel elle vient de signer un nouvel album, « La Passione » (pour Alpha partagé entre des œuvres de Nono, Haydn et Grisey).

Une direction nourrie de la physicalité du chant

Accueillie comme artiste en résidence à Radio-France, elle donnera cette saison trois concerts immanquables avec l’Orchestre Philharmonique de Radio France les 8 novembre, 6 janvier et 28 mai, dans un éventail très large de répertoires de Sofia Goubaïdoulina à Jacques Offenbach. Autant de concerts qui permettront de saisir l’alchimie musicale singulière qui opère en elle : Barbara Hannigan n’est pas véritablement chanteuse et cheffe, mais plutôt musicienne fusionnelle tout à la fois chanteuse qui dirige et cheffe qui chante… « La direction me permet d’aborder la musique sous un autre angle, et me permet aussi d’aborder une musique que je n’aurais pas la chance de jouer en tant que chanteuse. En tant que cheffe d’orchestre, et avec l’expérience musicale que j’ai eue tout au long de ma carrière, j’apporte une perspective unique à mes collègues, non seulement à travers la façon dont je continue à utiliser ma voix au fil des ans, mais aussi à travers l’imagination dramaturgique du chanteur et acteur, l’expression physique du son qui fait partie de la vie d’un chanteur et, non des moindres, le souffle. Je dirais que le chanteur mène le chef d’orchestre en moi. C’est pourquoi même lorsque je dirige une répétition ou un concert dans lequel je ne chante pas, je vais quand même réchauffer ma voix avant de monter sur scène. Il y a quelque chose de plus « éveillé » en moi, une fois que j’ai chanté. » confie-t-elle.

Jean Lukas