Les Théâtrales Charles Dullin, un théâtre du présent

Quelles sont les spécificités des Théâtrales Charles Dullin?

 Guillaume Hasson : Les Théâtrales sont une manifestation dédiée exclusivement au théâtre contemporain. Nous tentons d’offrir, dans l’espace culturel départemental du Val -de-Marne et durant six semaines, un panel d’œuvres nouvelles, inédites à la scène, dont la production remonte souvent à moins d’une année, certaines créées un mois avant le festival, d’autres dans le cœur même de la manifestation. La programmation intègre des textes d’auteur d’aujourd’hui, des écritures de plateau, des œuvres emblématiques de la création internationale et des spectacles regardant vers le Jeune Public.

« Les artistes indéniablement savent ressentir et déchiffrer, parfois d’une façon messianique, les mouvements du monde qu’ils observent. »

Quelles sont les thématiques qui se dessinent cette année ?

G. H. : Les thématiques propres aux éditions des Théâtrales ne sont pas le fruit d’une volonté qui s’exprimerait en amont du visionnage des spectacles. Elles apparaissent une fois la programmation terminée, a posteriori. Elles sont souvent significatives de ce que les artisans-créateurs du théâtre d’aujourd’hui rencontrent d’une façon souvent tangible dans leur vie, des expériences qu’ils mènent dans l’exercice de leur métier, et de la manière avec laquelle procède leur intuition face à ce que traverse la société. Les artistes indéniablement savent ressentir et déchiffrer, parfois d’une façon messianique, les mouvements du monde qu’ils observent et dont ils sont les acteurs engagés. Trois thèmes colorent ainsi principalement l’édition 2016. Le premier d’entre eux, pour un nombre conséquent de spectacles, témoigne d’une réflexion revendicative sur la condition des femmes, en Europe notamment. Le second aborde la place du travail et du travailleur dans une société emportée par le libéralisme et une financiarisation carnassière. Le troisième, plus intime, mais non moins politique, traite de l’immense solitude que rencontrent parfois certaines populations, et la détresse mentale qui en découle.

Quel est votre regard sur les écritures théâtrales contemporaines ?

G. H. : Je ne crois pas que les écritures contemporaines ne se définissent que par leur inscription dans un espace-temps qui serait le nôtre. Je crois qu’elles sont avant tout cette manière d’opérer dans le vivant du présent, et d’oser dire « je ». Le théâtre contemporain est d’abord, dans sa genèse, la parole brute et sauvage d’un être humain face aux tribulations de la vie et à l’état du monde. Il est bien souvent en même temps l’expression de la fragilité humaine, celle qui révèle les failles, les écroulements, la sidération, et la convocation d’une force de résistance. Il peut emprunter à la maladresse du cri, de l’urgence, de l’inendiguable. Il ne peut se satisfaire d’écritures lisses et dénervées, relevant de la simple distraction, porteuses de sujets normés, bien pensantes, courues par la mode, véhiculant des postures ou se faisant les promotrices de leur propre esthétique.

Propos recueillis par Agnès Santi