Nosztalgia Express de Marc Lainé : une comédie de genre faite de suspens, de chansons, de moments cocasses ou mélodramatiques.

C’est l’histoire de Danny Valentin. De l’enfant qu’il était lorsqu’il a été abandonné par sa mère sur un quai de gare, à l’âge de 10 ans, le 4 novembre 1956, le jour où les chars russes sont entrés dans Budapest pour mater l’insurrection hongroise. L’histoire de la vedette de la chanson qu’il est devenu, à la fin des années 1960, en surfant sur la vague yéyé. Cette existence nous est relatée par Victor Zellinger, un détective privé engagé par l’impresario du chanteur, Hervé Marconi, pour percer le mystère de cet abandon. Car Danny, hanté par les fantômes de son passé, ne parvient plus à composer, à créer. Il sombre dans la neurasthénie et l’abus de somnifères. L’homme d’affaires veut voir guérir son poulain, pour qu’il renoue avec l’inspiration et le succès. Il lance Zellinger sur la trace de Simone Valentin, la mère disparue 12 ans plus tôt sans donner d’explication. Nous voici partis sur les sentiers d’une enquête théâtrale haute en couleur et, parfois, en stéréotypes. Disons-le, il faut un peu de temps avant de s’accommoder des traits par moments trop vifs, trop appuyés, dont use Marc Lainé pour constituer l’univers loufoque de cette comédie à la croisée des genres, des effets et des tonalités.

Une enquête théâtrale qui nous balade à travers les époques

On aurait aimé, notamment, ne pas voir le personnage de Marconi surjouer les signes extérieurs de son homosexualité en affichant des déhanchements d’un autre âge. Tant pis. Car, peu à peu, comme le récit avance et se densifie, zigzaguant entre 1989, 1968 et 1956, ces artifices s’estompent pour donner naissance à des êtres sensibles, étrangement vivants. C’est là que se noue la réussite de ce travail au final de belle facture. Dans une forme de vérité stylisée. Dans une façon de nourrir pleinement la fiction, avec une honnêteté qui se passe d’esbroufe, qui cède certes à des facilités, mais ne manque jamais de détermination. Marc Lainé met ici à l’honneur l’art de raconter des histoires au théâtre. Des histoires qui mettent en miroir les choses de l’intime et celles du monde. Le directeur de la Comédie de Valence s’appuie, pour cela, sur une troupe d’interprètes aguerris : Alain Eloy, Emilie Franco, Thomas Gonzalez, Léopoldine Hummel, François Praud, François Sauveur et Olivier Werner. Il bénéficie aussi des compositions musicales signées Emile Sornin, du groupe Forever Pavot. Entrelaçant narration et chansons, dérision et émotion, théâtre et cinéma, Nosztalgia Express (texte publié chez Actes Sud – Papiers) fait de la scène un champ d’expression à la complexité très humaine : entre utopies et réalités.

Manuel Piolat Soleymat