Phoenix : Josette Baïz allie création et transmission de manière remarquable

« Pendant le confinement, alors qu’ils répétaient sans perspective de spectacles, j’ai imaginé quatre projets originaux pouvant mettre en valeur le travail du Groupe et de la Compagnie Grenade. Pendant des années, nous avons mis les chorégraphes au centre de notre projet. Mais cette fois, les danseurs seront à l’honneur et nous rendrons hommage à leur engagement. A travers nos spectacles et les nombreux chorégraphes invités, ces jeunes danseurs ont incorporé un nombre de gestuelles incalculables, une énergie formidable, une inventivité remarquable. Les douze danseurs de la compagnie seront donc les premiers à fêter cet événement au Grand Théâtre de Provence. Au sein de la compagnie, j’ai maintenant de jeunes chorégraphes, très créatifs. Je leur ai soumis des questionnaires qui impliquaient les événements que nous venions de vivre tels que : « Est-ce que cette période particulière a généré chez eux des désordres, des pertes de repères, des remises en question ? » « Comment leurs corps a-t-il évolué ? » Je leur ai aussi proposé des locutions comme : « de l’ombre à la lumière », « de la transe à l’extase », « de l’enfermement à l’ouverture ». A partir de leurs improvisations, je me suis amusée à trouver des liens, des transitions, une cohérence née de ce qu’ils m’ont raconté et des divers tableaux qu’ils avaient élaborés. Mon rôle consistait surtout à tenir la barre pour que les thèmes donnés restent pertinents. C’est ainsi que nous avons créé Phoenix, puisqu’il s’agissait de renaître de ses cendres.

Le passé, le présent et l’avenir unis en une seule soirée

Parallèlement, j’ai réalisé un petit clip avec les premiers danseurs de Grenade, ceux qui ont démarré quand on a réalisé Mansouria avec le vidéaste Luc Riollon dans les quartiers Nord de Marseille en 1989. Ils ont tous répondu à l’appel. Ils reprendront « Cool » de West Side Story, sorte d’apothéose du film. Quand les gens arriveront dans le théâtre, ils verront ce clip sur grand écran dans le hall, puis Phoenix, et en sortant, un autre clip avec les tout-petits du Groupe Grenade, les derniers entrés de 7 ou 8 ans, qui ne savent pas encore danser mais sont totalement engagés. Pour base d’improvisation, je leur ai proposé la très jolie toile que Trisha Brown m’avait donnée. Ainsi, les spectateurs auront le passé, le présent et l’avenir réunis dans une même soirée. Par ailleurs, nous sommes en train d’écrire un livre avec Rosita Boisseau et Christine Surdon retraçant toute l’aventure pédagogico-artistique de Grenade depuis 30 ans. Enfin, en novembre 2022, nous réaliserons un nouveau film avec Luc Riollon, à partir des mêmes questions que celles posées en 1989. Notamment à ceux que nous appelons la génération Alpha, qui dansent dans Baobabs et sont particulièrement étonnants. Ils sont ultraconnectés, très rapides et savent des choses que nous ignorons. Nous terminerons avec un programme pour les jeunes, où l’on reprendra la partie dynamique de Room with a View de (La) Horde, ainsi qu’une création de la chorégraphe australienne Lucy Guérin avec les 9-13 ans. »

Propos recueillis par Agnès Izrine