Roméo et Juliette, rencontre avec Benjamin Millepied

Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous confronter au mythique Roméo et Juliette ? 

Benjamin Millepied : C’est la partition de Prokofiev. J’avais envie de réfléchir à une manière de la mettre en scène qui ne soit pas habituelle. En règle générale, une narration littérale sur scène m’intéresse peu, je préfère les représentations plus symboliques. J’ai donc choisi les meilleurs moments de musique et réalisé pour ce ballet une série de tableaux. D’ailleurs je l’appelle Roméo et Juliette suite, comme une suite de danses. Nous avons créé un univers assez immersif en utilisant la scène mais aussi d’autres espaces. Le lieu de la représentation est traité comme le lieu où se déroule réellement l’action. Nous allons dans les coulisses, dans différentes salles et même à l’extérieur, tout ça étant filmé en direct, caméra à l’épaule. Cette production se situe vraiment entre le cinéma et le spectacle de danse.

 « Cette production se situe entre le cinéma et le spectacle de danse. »

Qu’apporte le film, selon vous, par rapport à l’habituelle danse sur scène ?

B.M. : Faire aujourd’hui un ballet avec une espèce de pantomime dans le style du XIX^ème siècle ne fonctionne pas. Lorsque, par exemple, deux personnages se battent, le rendu sur un plateau peut paraître ridicule. Mais si l’on va dans les coulisses avec une caméra et que les danseurs sont entraînés à combattre comme on le fait au cinéma, alors la scène devient réaliste et par conséquent beaucoup plus touchante. Le film apporte de la modernité et de l’émotion.

Vous mettez en scène trois distributions différentes : un homme et une femme, deux hommes, deux femmes. Est-ce aussi dans un souci de modernité ? 

B.M. : Il me semble naturel lorsqu’on crée aujourd’hui une production de Roméo et Juliette de représenter aussi deux femmes qui s’aiment, deux hommes qui s’aiment. Ce qui se passe sur scène doit dépeindre la réalité des gens qui sont dans la salle. Ne pas le faire serait terriblement conservateur.

Avez-vous fait des adaptations dans la chorégraphie selon les distributions ? On ne crée peut-être pas de la même façon pour un corps masculin et un corps féminin.

B.M. : J’en ai fait, oui, bien sûr, mais finalement assez peu.

Comment vous sentez-vous, vous et vos danseurs, à quelques semaines de la première après ces diverses annulations dues à la pandémie ?

B.M. : Nous allons bien. C’est toujours appréciable d’avoir plus de temps pour travailler mais maintenant nous sommes vraiment dans les starting-blocks. J’espère que nous n’aurons plus de soucis car nous sommes prêts, heureux à l’idée de venir présenter enfin cette création.

Propos recueillis par Delphine Baffour