Une mort dans la famille d’Alexander Zeldin

Avec Faith, Hope and Charity (2021) présenté au Théâtre de l’Odéon dont vous êtes artiste associé, vous clôturiez une trilogie sur l’intimité au temps des politiques d’austérité. En quoi votre travail sur la vie privée change-t-il dans Une mort dans la famille ?

Alexander Zeldin : Pendant les confinements successifs que nous avons traversés, j’ai été frappé par une chose qui était déjà présente dans mes pièces, mais souvent atténuée par des mouvements collectifs – surtout dans Faith, Hope and Charity, qui se déroule dans une maison de quartier dédiée aux personnes en difficulté – : la solitude. J’ai écrit, beaucoup, en partant de ma vie et en m’en éloignant souvent. Le tournant entre ma première trilogie et Une mort dans la famille, née de cette prose de confinement mais qui ne traite pas de ce moment, n’est donc pas si radical qu’il peut y paraître. Je vais vers une approche plus personnelle de mes sujets.

En l’occurrence, comme votre titre l’indique : la mort. Laquelle ?

A.Z. : Celle d’un être cher. Mais en effet, lequel ? Dans la pièce, un père de famille meurt. Sa mère se retrouve alors en maison de retraite, où elle décède à son tour, en milieu de pièce. Est-ce bien eux, les morts ? Je suis persuadé que parfois les morts sont plus vivants que les vivants. Une mort dans la famille interroge notre rapport au monde des morts.

« Parfois les morts sont plus vivants que les vivants. »

Pour raconter cette histoire de famille inspirée de la vôtre, qui met en jeu trois générations, vous utilisez pour la première fois le français. Est-ce par désir de mise à distance ?

A.Z. : C’est déjà parce que depuis que je viens souvent travailler en France, j’ai pris beaucoup goût à votre langue. Alors lorsque le Théâtre de l’Odéon m’a fait la proposition de travailler avec des acteurs français, je n’ai pas hésité. C’est plus compliqué pour moi, mais c’est en effet aussi une manière d’introduire de la fiction dans la pièce, qui est clairement ancrée dans un contexte français, alors que les précédentes se passaient en Angleterre.

Comme vos distributions anglaises, celle de Une mort dans la famille rassemble comédiens professionnels – Marie-Christine Barrault incarne par exemple le personnage principal – et amateurs. Pourquoi ?

A.Z. : C’est une chose très courante en Angleterre, où le peu de moyens mis à disposition des artistes l’est pour ce qu’on appelle en France l’action culturelle. Pour créer, j’ai donc comme beaucoup d’autres metteurs en scène travaillé avec les personnes que je rencontrais sur le terrain. La distinction entre professionnels et amateurs existe peu pour moi : à partir du moment où des personnes jouent sur scène, et sont payées pour le faire, il n’y a pour moi plus de grandes différences. L’important est que par le théâtre, on puisse s’approcher du réel. Ce que nous avons fait avec les comédiens en passant beaucoup de temps auprès de personnes âgées, en maisons de retraite. Cela afin de créer une situation théâtrale où les choses sont toujours en devenir, toujours vivantes.

Propos recueillis par Anaïs Heluin