Yasmina Reza crée « James Brown mettait des bigoudis », qui interroge l’identité ou la différence

Qui sont Jacob et Philippe et quel est ce mal étrange qui les conduit dans une maison de repos ?

Yasmina Reza : À la question de qui est un personnage, je n’ai jamais su répondre. Même quand les personnages sont, disons, plus repérables socialement, je ne peux fournir aucun portrait hors du texte. C’est d’ailleurs une des fonctions du personnage théâtral de contenir toute une série d’existences. Des acteurs de tous âges, de diverses nationalités et cultures leur donnent corps et les comprennent différemment. Quant à la maison de repos, je ne la définis pas davantage. Jacob et Philippe ont été placés là en raison de leur singularité. Le singulier, dans une société, est toujours un « cas ».

  « Ce que je recherche, comme toujours, c’est l’endroit commun. C’est-à-dire le noyau dur, humain, reconnaissable par tous. »

Comment ces personnages théâtraux ont-ils surgi du roman qui les a vu naître ?

Y.R. : Jacob et ses parents, Lionel et Pascaline, existaient dans Heureux les heureux, qui était un roman. C’était un chapitre du livre que j’aimais particulièrement, et j’ai souvent senti que je devais offrir à ces personnages une vie supplémentaire. Je ne pensais pas pour cela spécialement au théâtre. Et puis un jour il y a eu comme une évidence. C’est en fin de compte toujours assez mystérieux, l’origine d’une pièce ou d’un livre.

Cette pièce est une « fantaisie sur l’identité et la différence ». Qu’est-ce qui se joue dans la constitution des identités et dans le théâtre social de cette constitution ?

Y.R. : Je serais presque tenté de dire : tout. On passe notre vie à se décliner, à se définir. À se nommer. La question de l’identité est centrale. Elle l’a été de tout temps pour l’homme, mais aujourd’hui, elle a pris une dimension sociétale et politique. Être soi est infiniment complexe. C’est une conquête. Il se peut qu’elle prenne des formes étranges et déroutantes. Quel meilleur lieu que le théâtre pour faire se croiser des univers divergents ? Cependant, ce que je recherche, comme toujours, c’est l’endroit commun. C’est-à-dire le noyau dur, humain, reconnaissable par tous et qui résiste à toutes les différences.

Comment et pourquoi ces comédiens pour cette nouvelle pièce ?

Y.R. : À part Alexandre Steiger qui nous rejoint et que je ne connaissais pas, j’ai travaillé souvent avec tous les autres comédiens. Josiane Stoleru, André Marcon, Cristèle Tual et Micha Lescot sont des comédiens créatifs et rares avec qui je me sens heureuse et entièrement libre. Je voudrais ajouter le nom de Joachim Latarjet, magnifique compositeur et musicien, qui est avec eux sur scène.

Propos recueillis par Catherine Robert